Industrie bancaire:Les secrets de la croissance profitable en Afrique

Les résultats d’une étude publiée en décembre 2014 révèlent que l’efficacité des banques africaines dépend de six priorités qui vont de la conquête de nouveaux clients, à l’optimisation du modèle opérationnel.

Dans un contexte où il faut faire des chiffres tout en satisfaisant les clients, le développement de l’industrie bancaire devient une nécessité. C’est fort de ceci que Roland Berger, l’un des leaders mondiaux du conseil auprès des directions générales, notamment dans les services financiers a réalisé une étude qui met en avant les différentes priorités de l’industrie bancaire africaine. L’étude intitulée « Industrie bancaire en Afrique : Le défi de croissance profitable », relève six (6) priorités, qui, prises en compte, vont aider au développement efficient de cette industrie dans les cinq prochaines années. Ces priorités qui vont de la conquête de nouveaux clients, à l’optimisation du modèle opérationnel ont pour but « d’aider les dirigeants des banques africaines à libérer le potentiel de création de valeur du secteur afin que les établissements bancaires africains puissent jouer leur rôle dans le développement du continent en finançant l’économie réelle », peut-on lire dans les résultats de cette étude.

S’agissant de la conquête de nouveaux clients, les défis qui attendent les banques africaines se résument à la bancarisation du maximum de la population qui reste encore peu bancarisée. Pour cela, il sera important pour les banques, de stimuler la collecte des dépôts des classes moyennes (part de la population gagnant en 2 et 120 dollars par jour), pour un doublement des revenus de la banque. Car, la classe moyenne, selon les acteurs du secteur bancaire demeure à l’instar des PME, et les marchés de masse, des nouvelles catégories de clients constituant les prochains relais de croissance. Une catégorie plus chère à acquérir et à servir, mais aussi plus risqué étant donné que les profits ici sont menacés, apprend-on. Il est donc question, pour les banques, dans cette recherche de nouveaux clients, « de développer des partenariats avec des institutions financières et des entreprises non financières dans les secteurs ayant une plus forte pénétration des classes moyennes », recommande les auteurs de l’étude.

Des partenariats avec des institutions financières et des entreprises non financières dans les secteurs ayant une plus forte pénétration des classes moyennes, doivent également être noués par les établissements de crédits africains. Et, pour atteindre plus de clients notamment des agences mobiles, le cabinet Roland Berger, conseille aux banques d’augmenter leur présence dans les régions isolées avec des multiples points de contact restreints mais accessibles. Toutefois, relève le cabinet, les services que doivent offrir les banques sur les cinq années à venir doivent être « attractifs » et « adaptés » à la classe moyenne. Cette classe a considérablement connu une augmentation, passant ainsi de 17% en 1980 à 34% en 2010, apprend-on dans le rapport.

Services

Pour les services attractifs, ils doivent permettre d’assurer une meilleure expérience client qui consiste à changer la perception des banques en ancrant l'accessibilité et en créant le dialogue, tout en simplifiant la charge administrative. Par ailleurs, cette étude dévoile que les partenariats avec des opérateurs de téléphonie mobile et les canaux digitaux sont perçus comme le meilleur levier d'acquisition de nouveaux clients. Et, cela peut passer par exemple par « le développement de la capacité à personnaliser les offres pour accroître les ventes à distance », souligne le cabinet Roland Berger, ceci non sans relever qu’il est tout aussi nécessaire pour les banques de mettre en œuvre les ventes croisées.

Toujours dans la recherche de nouveaux clients, il faut pour les banques, développer les crédits aux PME et aux particuliers tout en renouvelant l'approche du risque de crédit pour obtenir au bout de cinq ans, 30% de part de marché pour les activités de détail. Et enfin, mettre sur pied de manière sélective l'expertise en banque de financement et d’investissement (BFI) pour un doublement de la clientèle des PME. Les PME étant considérées par les personnes sondées dans le cadre de cette étude comme des sources de revenus significatives pour les banques. Il est donc question, d’adopter les meilleures pratiques en termes de processus crédit. Ce qui permettra d'améliorer l'évaluation et la gestion du risque des PME.

Pour leur croissance, les banques doivent aussi se lancer dans les financements et investissements surtout que d’après cette étude, les banques africaines capturent moins de 20% d'un marché de la BFI estimé à 14 – 17 Milliards d’euro (entre 9170 et 11135 milliards de FCFA) en Afrique. Dans ce volet, des partenariats avec des acteurs internationaux aideront à acquérir l'expertise nécessaire et à compléter les ressources financières. La conquête des clients terminée, les banques doivent s’atteler au renforcement du modèle opérationnel. En fait, transformer le potentiel de croissance en profits requiert de transformer les modèles opérationnels.

Formations

De ce fait, la priorité des banques devrait donc être d’améliorer l'efficacité et l'efficience opérationnelle. Il est question ici, de libérer du temps pour les conseillers clients en diminuant le temps consacré aux tâches annexes. Ceci permettrait d’améliorer l'efficacité commerciale. Egalement, revoir les approches de tarification, efficace pour protéger les marges, avec en fond, la diversification des services et des produits. En outre, les banques africaines devraient lancer des programmes d'efficience opérationnelle similaire à ceux des banques occidentales dans les années 2000, conseille cette étude, tout en rappelant de sécuriser le recrutement de talents en investissant dans le capital humain. De ce fait, les banques doivent avoir des initiatives qui visent à développer davantage les talents, ce par des formations internes. Mais aussi, sponsoriser la création de programmes de formation en commerce et finance au niveau national, régional et continental, y compris via des partenariats avec des institutions éducatives existantes.

Par ailleurs, les banques doivent adapter le modèle de croissance pour exploiter les synergies lors de la croissance inorganique. Car, les acteurs panafricains ont vu diminuer leur niveau de rentabilité lors de stratégie de croissances externes à l'international du fait de difficultés à générer des synergies. Alors, réaliser les synergies suppose d'activer des leviers de gouvernance et d'organisation autant que des leviers opérationnels. Ce, pour sécuriser une croissance durable par la gouvernance, l'organisation et les opérations.

Sandrine Gaingne

Méthodologie

Seulement 32 banques ont pris part à cette étude

Il a été question pour Roland Berger d’administrer des questionnaires à ces différentes banques, dont les points du vue ont permis de mener cette étude.

L’avenir de l’industrie bancaire africaine a fait l’objet d’une étude réalisée par Roland Berger, un cabinet de conseil en stratégie basé en Allemagne. Publiés en décembre 2014, les résultats de cette étude prennent en compte la performance financière des établissements de crédits sur les 3 dernières années. Et, ont définies les six priorités de l’industrie bancaire qui devront aider au développement de ce secteur dans les prochaines années. Intitulée « L’industrie bancaire en Afrique : le défi de croissance profitable », ce rapport a été réalisé grâce à une série de questions envoyée aux 97 premiers établissements de crédits africains, répertoriées dans 4 grandes régions du continent, délibérément délimitées par les commanditaires de cette étude.

Il s’agit notamment de l’Afrique du Nord où 28 banques ont été sélectionnées, l’Afrique de l’Ouest avec le Cameroun (13 banques), du Nigéria (14 banques) et l’Afrique de l’Est et ses 44 banques. L’objectif de cette démarche, apprend-on, était de comparer les performances des banques et les attentes des dirigeants. A en croire les responsables de ce cabinet qui n’est d’ailleurs pas à son premier coup d’essai pour ce qui concerne la réalisation des études de ce genre, l’idée de cette analyse est de donner des astuces pour un développement certain dans le secteur bancaire. Car, « lorsque nous voyons des points d’inflexion dans certaines industries, sur certaines zones ou sur certains segments de clientèle, nous avons envie d’apporter notre contribution », avaient confié les auteurs de l’étude, ajoutant que l’industrie bancaire africaine « arrive à un tel stade qu'elle doit entamer la prochaine phase de son grand développement : un développement maîtrisé sur une clientèle plus diffuse, que ce soit les PME ou la classe moyenne africaine émergente », expliquait Fabrice Asvazadourian senior partner et co-responsable monde services financiers. C’était l’année dernière dans les colonnes de l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Par ailleurs, les banques approchées n’ont pas massivement collaboré à la réalisation de cette enquête. Selon les responsables de Roland Berger, sur l’ensemble des 97 banques triées sur le volet, seules 32 ont répondu favorablement au questionnaire. Elles ont donné leur avis sur l'évolution de la croissance, les coûts, les profits et les challenges, opportunités clés dans les prochaines années. Et, les résultats obtenus ont été ajustés à l'inflation et au taux spot de l'euro et classés par région, apprend-on. Au total, « ce sont 322 milliards d’euro d’actifs, soit 210 910 milliards de FCFA qui ont été analysés », indique le cabinet Roland Berger à la page 9 du rapport. Il est donc clair qu’au cours des cinq à sept prochaines années, le potentiel de revenu supplémentaire des banques africaines est de 15 à 20 milliards d’Euros (9 825 milliards à 13 100 milliards de FCFA), soit un doublement par rapport au niveau actuel.

Créé en 1967 par Roland Berger, le cabinet du même nom est spécialisé en conseil et stratégie. Il est classé dans le top 4 des meilleurs cabinets d'origine européenne avec une forte présence dans les marchés émergents, nous apprend le cabinet. Il possède 51 bureaux dans 38 pays, notamment en Italie, Brésil, Espagne, Etats-Unis, Chine, Pays Bas… Roland Berger est aussi présent en Afrique avec plus de 100 projets réalisés dans 25 pays africains. Notamment au Sénégal, Côte d’Ivoire, Angola, Ghana, Tanzanie, etc.

Christian Happi

Environnement bancaire

Les banques africaines se portent globalement bien

En dépit des problèmes multiples qui minent ce secteur en Afrique, le cabinet Roland Berger entrevoit un avenir radieux aux banques africaines.

En Afrique, malgré quelques difficultés liés surtout au faible taux de bancarisation, à la surliquidité, et bien d’autres, les banques se portent globalement très bien, avec une croissance des revenus mais aussi des bénéfices généralement à deux chiffres. C’est du moins ce que relèvent les auteurs d’une étude menée en décembre 2014, par Roland Berger, un cabinet de conseil en stratégie basé en Allemagne. A l’en croire, ces banques africaines achèvent un cycle de forte croissance et de rentabilité élevée : l'Âge d'or du secteur s'étant caractérisé par une augmentation du chiffre d'affaires de plus de 12% et d'un taux de retour sur capitaux propres atteignant 22% sur l'ensemble du continent. Une tendance qui devrait se confirmer voire s’accélérer dans les prochaines années.

Pour cela, le secteur bancaire devrait bénéficier dans les années à venir, des avantages du dividende démographique. Illustration avec l’évolution de la population en âge de travailler, qui selon Roland Berger, va passer de 500 millions en 2020, pour atteindre environ 1 milliard d’ici 2040. « Le dividende démographique aura un impact important sur la croissance des populations, mais aussi sur le nombre de personnes en âge de travailler », tranche le rapport. De ce fait, selon les experts, « la croissance démographique va augmenter dans le même temps l’échantillonnage des personnes devant bénéficier des services de la banque et donc, accroitre le taux de bancarisation », explique un économiste.

En outre, il revient aux banques de développer des produits afin de bancariser les PME, attirer la classe moyenne et capter une partie plus importante des activités de « banque de gros ». De même, les besoins en infrastructures par secteur en Afrique devraient augmenter dans l’avenir. L’Afrique devrait ainsi investir 21 milliards d’euros, soit 13 755 milliards de FCFA par an dans l’électricité, 12 milliards d’euros (7860 milliards FCFA) dans la gestion et le traitement de l’eau, 7 milliards d’euros (4585 milliards FCFA) dans le transport. Les investissements vont également être faits dans les TIC (6 milliards d’euros soit 3930 milliards FCFA) et l’irrigation (3 milliards d’euros qui correspond à 1965 milliards de FCFA). De plus, le développement de l'industrie bancaire africaine requiert des initiatives par les autorités publiques. Ceci, passe par la modernisation de l’appareil réglementaire et légal, l’accélération des étapes du développement des infrastructures, favoriser l’émergence de « champions » par la restructuration des banques.

Bien plus, l’évolution des marchés bancaires au regard des niveaux de vies des populations devrait connaître une nette progression, se manifestant par une forte tendance baissière sur les taux d’intérêt, apprend-on. Toutefois, les revenus en profits dédiés aux classes moyennes doivent être construits autour de 4 principes. A savoir : Opérer la transition à un modèle de relation "industriel", construire et mettre en place un système marketing, capitaliser sur des packages de produits et offrir une expérience client supérieure. En tout cas, selon Roland Berger, la définition du modèle de la future banque africaine nécessitera à la fois de mettre en place des initiatives stratégiques mais aussi opérationnelles. Par ailleurs, le soutien des autorités pour renforcer les infrastructures financières ainsi que le cadre légal est crucial.

C.H.

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